Jivko
Sculpteur
Entre mythe et humanité
De tous les arts, la sculpture est celui qui requiert l'intimité
la plus profonde avec le matériau, au point que celui-ci est à la
fois expression et langage. Jivko demande à la sculpture d'être
l'interprète privilégié du monde réel en prise sur son temps, auquel
il ajoute la dimension métaphysique sous-jacente à toute incarnation.
Ni réaliste, ni symboliste, sa sculpture tend à l'unisson de l'essence
mystérieuse de la vie, en recourant à une combinaison des formes
réduites à ses structures élémentaires dont il dégage les forces
primitives. Cette simplification, tout en dégageant des lignes pures,
s'articule autour de plans juxtaposés, où les angles, les courbes
suggèrent le dynamisme de la forme. Dans sa volonté d'atteindre
la quintessence de la matière, il la mutile, l'ouvre pour mieux
la travailler, met à jour des vides détenteurs de vie et de mouvement.
La sculpture de Jivko est faite de ces espaces vides qui dialoguent
avec les formes pleines, de ces configurations concaves et convexes
qui s'emboîtent, entraînent des mutations dont la complexité n'est
qu'apparente, puisqu'elle revient toujours à la figure humaine ou
animale.
Dans ce va-et-vient des plans, le modelé à la part belle. Jivko
a recours à la cire qui se métamorphose sous la pression de ses
doigts qui modèlent, insufflent une vitalité originelle à laquelle
l'alchimie du bronze donnera l'éternité.
Démiurge, Jivko interroge la matière. Ductilité de la cire, intemporalité
du bronze, s'allient pour retrouver l'harmonie finale. Ses bronzes
récents célèbrent, avec davantage de douceur, un sentiment de puissance
et de sensualité qui imprègne ces scènes allégoriques. L'on retrouve
ses thèmes récurrents de l'homme-poisson, du Minotaure, de personnages
anthropomorphes unissant l'esprit à la force animale, l'anatomie
à la nature sauvage et primitive.
La mythologie offre ses images rituelles et sacrées à l'artiste
qui a choisi de vivre en France où il travaille depuis 1990.
Le sacrifice et la rédemption habitent son humanité et son bestiaire.
Ayant atteint, aujourd'hui, sa pleine maturité, il nous montre deux
sculptures monumentales : Après le concert et Vestiges de l'Esprit.
Plus élaborées, elles explorent l'espace originaire de la sculpture
qui, tout en déclinant sa sensibilité et son mode d'expression identitaires,
mettent en évidence la tension vitale des formes, desquelles émerge
sa propre vision du monde.
Lydia Harambourg
historienne, critique d'art – 2003
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